Féminisme de droite ?

Et si le mot « féminisme » était vidé de son sens par ses détracteurs ? Un démontage rapide de caricatures : lutter contre le sexisme, ce n’est pas une étiquette, mais un engagement concret contre la domination.

Féminisme de droite ?
Albrecht Dürer, Nemesis (détail), c 1502

Ceci est un morceau choisi de ce qui circule sur des comptes de femmes — blanches — qui se disent féministes sur les réseaux sociaux — Instagram. Ce commentaire péremptoire prétend à ce que la condition féminine soit universellement calquée sur l'opinion de l'auteur·ice : considérer chaque femme comme une personne à travers sa culture, son vécu, son identité serait une discrimination. Être une femme et ne pas partager cet idéal absolu, systématique qui invisibilise les cultures, les convictions et réduit la question à des sexes sur des corps acculturés, serait une forme de totalitarisme.

Si je comprends l'idée, il semble incongru, c'est qu'on la trouve séduisante, utile et efficace. Plus précisément, le fait d'aborder la question du féminisme ou de la lutte contre le sexisme en général par un acte d'exclusion semble paradoxal

Quel est le projet ?

Ce qui bloque, ici, c'est l'irruption du mot, "féminisme" dans le discours de ses détracteurs, qui se l'approprie et le dénigre en lui donnant une fonction de titre de conquête. Ce "féminisme" serait une idéologie qui prend, qui impose, qui accapare des droits ou des privilèges là où il n'y en a pas, où il en manque, où il en faudrait.

Sans être radicalement fausse, cette représentation efface une chose essentielle : le "féminisme" est une lutte contre le sexisme, une résistance contre le fait de considérer les femmes comme des femmes avant de les considérer comme des personnes. C'est quelque-chose qui lutte contre le simplisme et l'uniformisation, qui démontre, en explorant les complexités individuelles, qu'on ne peut réduire les personnes à des catégories.

Ce féminisme de droite à fait du mot "féminisme" un repoussoir en lui donnant une valeur excluante. Il ne serait légitime de s'en revendiquer que si on est femme et qu'on aspire à cette égalité absolue et neutre. Présenté ainsi, le féminisme serait contre toute forme de particularité, et donc l'adversaire de la condition masculine dans son ensemble. Un sexisme.

On est dans le paradoxe absolu.

Plus j'avance dans la réflexion, plus le mot "féminisme" reste sur le côté, comme un outil théorique, et plus la question sur la lutte contre le sexisme est au centre, comme un sujet. Il s'agit de considérer le monde et ceux qui l'habitent dans leurs complexités et pas dans leurs tendances majoritaires.

Je n'aime pas qu'on me définisse comme féministe ou allié. Mes convictions sont anticapitalistes, donc antiraciste, donc anticolonialistes, donc antisexistes. Comme je ne suis pas une femme, je ne sais pas ce que c'est qu'être une femme, je n'en ai aucune idée.

Ce que je vois depuis ma condition d'homme — cis, blanc, hétérosexuel — c'est un monde où je bénéficie d'un avantage et de privilèges dont je ne souhaite pas bénéficier. Alors, mon action commence par dénoncer cette posture de dominant et ainsi, lutter contre le sexisme.